Bonjour à tous.
Cela fait plusieurs semaines que je réfléchis à ce que je vais vous dire, à vous mes collègues du secteur, afin que mon discours soit percutant, évocateur et instructif. Comment m’assurer que mon message soit significatif?
Lors du congé de la fête de la Reine, je me suis posé plusieurs questions : « Comment en sommes-nous arrivés là? », « Vers où nous dirigeons-nous? », « Quel est l’avenir des paiements au Canada? », « Pourquoi est-ce important? ».
J’aimerais y répondre avec vous aujourd’hui.
La question des paiements en est une qui me passionne, et j’espère que tout le monde dans cette salle peut le voir.
Pourquoi cette fascination? Parce que les paiements représentent le produit le plus universel qui soit. En effet, chaque personne assise ici et partout au pays en fait, les comprend et peut compter sur eux.
Et c’est sans mentionner qu’à chaque souper de l’Action de grâce, on me demande invariablement ce que je fais dans la vie.
Nous représentons la fluidité de l’économie mondiale… le sang qui circule et qui fait fonctionner l’organisme. C’est quelque chose de spécial et de très puissant.
Si vous avez déjà été victime de paiements frauduleux, si votre paie a déjà été retardée ou si vous avez déjà omis de payer une facture à temps, vous connaissez l’anxiété et le stress que ces situations occasionnent. C’est ce volet universel des paiements qui me passionne. En tant que leaders et professionnels dans le domaine, nos actions pèsent dans la balance.
Et le Canada dans tout ça?
J’ai le privilège d’habiter l’un des pays les plus évolutifs, stimulants et importants en matière de paiements au monde.
Aspect unique de la pensée canadienne, notre tendance à nous autodévaloriser, à préférer la politesse et l’humilité, et à chercher la cause de nos échecs plutôt que celle de nos réussites nous fait souvent oublier que nous sommes une puissance dans le domaine.
Le Canada est un pionnier en paiements immédiats : on y utilisait les virements Interac et les paiements de personne à personne bien avant que certains pays ne tournent leur économie vers les paiements électroniques. La capacité de transférer de l’argent de personne à personne est tenue pour acquise au Canada; c’est gratuit, omniprésent et puissant. Les cartes de crédit, les comptes et les services bancaires existent, en général, partout. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous offrons déjà un accès quasi universel aux paiements et aux services financiers qu’envient les autres pays.
En bref, pour parler en termes de baseball, c’est comme si le Canada était né au troisième but. Ou pour rendre l’image encore plus canadienne : c’est comme si nous avions commencé directement avec Gretzky, Crosby, et McDavid.
Nous avons un système réglementaire solide, un environnement financier et politique stable, une infrastructure forte et résiliente, des esprits brillants et des organisations respectées pour leurs institutions financières, leurs associations, leurs organismes de réglementation et leurs technologies financières.
Mais alors, si tout va si bien, pourquoi parler d’une « croisée des chemins »? Quel est le lien?
Eh bien, pour revenir à ma métaphore sur le baseball, c’est comme si nous étions à la huitième manche, mais que, malgré notre avance, nous ne marquions plus autant de points qu’au début de la partie.
L’un des plus grands désavantages de cette avance est que notre lancée, notre impulsion, notre motivation vis-à-vis du changement – que ce soit pour les paiements en temps réel, le système bancaire ouvert ou la prévention de la fraude – est plus faible que celle d’autres États.
Nous n’avons pas fait autant de progrès que certaines autres régions quant à certaines initiatives. Nous sommes le dernier pays du G7 et l’un des derniers pays du G20 à ne pas avoir de système de règlement en temps réel. Nos pairs ont pris de l’avance concernant le système bancaire ouvert. Nous n’avons pas de plan d’action clair sur la fraude liée aux paiements, notre imputabilité en matière de paiements en temps réel et la gestion des contestations de fraudes liées au commerce électronique. Nous planchons sur tous ces problèmes, mais pour un pays pourtant aussi privilégié que le nôtre, nous traînons de la patte.
À quoi notre situation devrait-elle ressembler? Devrait-on devenir comme UPS en Inde ou le réseau PIX au Brésil? Non. Ces comparaisons me font toujours sourciller. Il est beaucoup plus facile de construire à partir de zéro que de se baser sur une structure existante. Il nous faut plutôt entrer dans la danse. En tant que responsables du système de paiements canadien, nous devons tous nous assurer que le Canada demeure un environnement dynamique et attirant en matière de paiements pour les prochaines décennies.
Comment faire? Comment revenir dans la course? Comment recommencer à marquer des points?
Il y a trois façons :
D’abord, il faut collaborer, travailler en équipe. Nous avons trop tendance à nous préoccuper de la concurrence, à lorgner les assiettes de nos voisins et à nous inquiéter de ne pas avoir notre part. La réalité est que la concurrence n’est pas à même le Canada : elle est entre le Canada et les autres économies mondiales. Il faut réfléchir aux moyens de faire grossir la part de tout le monde. C’est grâce à l’infrastructure de notre marché et à sa capacité à soutenir l’innovation et les nouvelles technologies que nous attirerons les investissements directs étrangers. Lorsqu’une entreprise mondiale de technologie ou de technologie financière cherche où faire des dépenses en immobilisations, déployer ses talents et diriger son attention, la capacité de soutien à l’innovation du système des paiements du pays pèse pour beaucoup dans cette décision. Nous devons faire équipe et nous assurer que le Canada est une destination incontournable pour la croissance et l’innovation en matière de paiements.
Ensuite, il faut devenir un endroit où la réponse est « oui » plutôt que « non ». Passer du « non » au « oui », même si ce dernier est subjectif, est un grand changement de culture. Nous sommes rapides à relever les défauts et les raisons pour lesquelles quelque chose ne peut être accompli. La prise de risque est souvent perçue comme une chose effrayante à éviter, plutôt qu’une occasion à gérer et à rechercher. Oui, la critique et la rétroaction sont importantes, mais elles ne devraient pas prendre le dessus sur la prise d’actions. Il faut soutenir le capital-risque, prendre des risques, apprendre de nos erreurs et célébrer les preneurs de risques puisque ce sont eux qui dirigeront l’évolution de nos paiements.
Et finalement, il faut exécuter ces actions rigoureusement. Exécution, exécution, exécution. Même si les deux premières étapes sont effectuées, toute notre bonne volonté sera inutile si nous ne valorisons pas l’exécution de nos services. Il faut nous préparer aux défis tout en mettant en place les conditions nécessaires pour les minimiser. Nous avons besoin d’une gouvernance solide et devons mettre l’expertise de l’avant. Il faut prendre des décisions avec transparence, rapidité et objectivité, tout en établissant un modèle d’exécution par excellence constant et stable.
Je suis optimiste; cette salle est remplie de gens parmi les plus intelligents au monde. Le Canada regorge de talent et de possibilités.
C’est au tour de notre pays, maintenant. Merci.