Annonceur : Vous écoutez le balado Le point sur les marchés de la Banque Scotia. La série de balados Le point sur les marchés fait partie de la série Capital de connaissances, conçue pour vous fournir les points de vue pertinents des leaders et experts des Services bancaires et marchés mondiaux Banque Scotia.
Les marchés ont fait des vagues en 2022, mais que nous réserve l’année 2023? Aujourd’hui, nous vous présentons une discussion enregistrée dans le cadre du balado Perspectives de la Banque Scotia avec Hugo Ste-Marie, premier directeur de la Stratégie de portefeuille et quantitative, Recherche sur les actions mondiales de la Banque Scotia. À ce titre, M. Ste-Marie fournit des conseils en placement à de grands investisseurs institutionnels. Dans le cadre de son entretien avec l’animateur de la série Perspectives, Stephen Meurice, il donne un aperçu de ce qu’il entrevoit pour 2023, abordant les tendances, les embûches potentielles et les perspectives qui pourraient rythmer les marchés cette année.
Hugo, merci infiniment d’être des nôtres aujourd’hui.
Hugo Ste-Marie : Merci de m’avoir invité.
SM: Il sera donc question aujourd’hui de ce qui nous attend en 2023. Mais avant d’en parler, vous pourriez peut-être faire un retour rapide sur 2022. Que peut-on dire de 2022 du point de vue des marchés boursiers ou des investisseurs? J’ai l’impression que l’année s’est déroulée en montagnes russes.
HSM: Effectivement, l’année 2022 a été marquée, pourrait-on dire, par la flambée extrême de l’inflation. Et pour combattre l’inflation, la plupart des banques centrales dans le monde, et non seulement la Banque du Canada et la Fed aux États Unis, ont adopté une politique monétaire très ambitieuse pour calmer la pression exercée par les prix ou, autrement dit, l’inflation. Or, lorsque par exemple les taux d’intérêt augmentent très rapidement, ils ont tendance à peser sur les marchés boursiers et sur les valorisations boursières. Ainsi, partout dans le monde, la plupart des places boursières mondiales se sont repliées depuis le début de l’année. La Bourse américaine dégringole, et la Bourse canadienne baisse encore plus. Ce qui est difficile pour les investisseurs, à mon avis, c’est que généralement, lorsque les titres boursiers baissent, le marché obligataire a tendance à s’améliorer. Cette conjoncture nous amène à faire preuve d’une certaine prudence du point de vue de l’ensemble du rendement des portefeuilles. Ça n’a pas été le cas cette année. La dernière fois que les obligations et les actions ont baissé sur toute l’année civile aux États‑Unis, c’est en 1969. Ainsi, de ce point de vue, les obligations n’ont pas été les valeurs refuges coutumières et les titres boursiers ont dégagé un rendement très négatif. Seuls les liquidités et certains produits de base, surtout le pétrole, ont mieux fait.
SM: Wow! L’année a donc été certainement difficile pour les investisseurs de tout acabit. Si nous commencions peut-être par donner une vue d’ensemble de 2023. Vous avez récemment publié un rapport intitulé « Ten Themes for 2023, Balancing Risk Versus Reward ». Nous allons certainement donner des détails. D’ici là, pourriez-vous nous donner un aperçu des perspectives de synthèse pour les marchés cette année? À quoi les investisseurs doivent-ils s’attendre à votre avis?
HSM: Effectivement, je crois que les investisseurs doivent s’attendre à une autre année en montagnes russes : les macrodonnées sont décevantes, et la croissance économique se ralentit. Je crois que nous connaîtrons une légère récession. Ceci dit, je crois aussi que nous aurons l’occasion de donner aux titres boursiers une part plus ambitieuse dans les portefeuilles à un certain moment, peut-être durant le premier semestre. À nouveau, la situation est appelée à changer. Or, je crois que dans le premier semestre de 2023, si le marché baisse encore plus, nous aurons l’occasion d’être un peu plus ambitieux dans la gestion des portefeuilles. Pas maintenant, mais peut-être à un certain moment en 2023. Le premier semestre pourrait donc être difficile pour les titres boursiers, et le deuxième semestre pourrait être un peu plus prometteur, à mon avis. Voilà qui résumerait 2023.
SM: Soit. J’espère que nous allons donner les détails de ces perspectives. Nous pourrions peut-être commencer par la conjoncture macroéconomique et la politique monétaire. Quels sont les principaux facteurs qui pourraient expliquer les problèmes que vous venez de décrire? S’agit-il essentiellement de ce que nous venons de vivre dans le dernier semestre de 2022?
HSM: Effectivement, je dirais que nous connaîtrons la même situation. Par exemple, nous avons commencé à constater que l’inflation se modère, mais qu’elle est toujours nettement supérieure aux cibles des banques centrales, au Canada comme aux États‑Unis. La Fed a tenu sa réunion il n’y a pas si longtemps. Ce qu’elle nous a dit essentiellement, c’est qu’elle voulait continuer de durcir sa politique monétaire; autrement dit, elle haussera ses taux directeurs. Il faut se souvenir qu’il y a un décalage entre le relèvement des taux et le choc qu’il a sur toute l’économie. Nous n'avons pas encore vu tout l'impact du durcissement monétaire de 2022. Je dirais que ce sera probablement à l’été 2023. Il est très important de comprendre ce décalage. La conjoncture macroéconomique s’est donc dans une certaine mesure détériorée en 2022, et la croissance mondiale s’est ralentie. Et je pense qu’en 2023, l’économie pourrait avoir un peu de difficulté à encaisser ce cycle de durcissement très brusque et ambitieux qui s’est déroulé essentiellement pendant toute l’année 2022. C’est la raison pour laquelle nous prévoyons une récession qui sera au moins modeste en 2023.
SM: Très bien. Et la Fed, qui est la banque centrale américaine, prévoit, à certains points de vue, d’être encore plus ambitieuse que la Banque du Canada, ce qui laisse certainement entendre que les taux d’intérêt sont encore appelés à augmenter. Dans votre rapport, vous évoquez la possibilité d’un retournement assez rapide de la situation lorsque le vent tournera. Qu’entendez-vous par là? Voulez-vous dire que les taux pourraient très bientôt commencer à baisser, même si la Fed a des visées aussi ambitieuses?
HSM: Oui. Je ferais toutefois une mise en garde. Ce que nous appelons le taux terminal de la Fed correspond en fait au seuil auquel la Fed cessera de durcir sa politique monétaire. Ce taux pourrait se situer aux alentours de 5,25 %. Aujourd’hui même, le taux des fonds fédéraux américains s’établit à 4,5 %. La Fed pourrait relever ce taux à 5,25 % à un certain moment. Je crois qu’elle le fera au premier trimestre de 2023. Puis, elle prendra probablement une pause pour prendre à nouveau la mesure de l’impact cumulatif de tout le durcissement de 2022. Or, je crois que dans la prochaine étape, la macroconjoncture se détériorera au point où l’économie perdra des emplois. Qu’en sera-t-il pour la Fed à ce moment précis? Sans doute plus tard en 2023, elle pourrait inverser une partie de ses hausses de taux. En fait, elle pourrait même assouplir sa politique dans une certaine mesure. Elle pourrait commencer à le faire plus tard en 2023. Toujours est-il qu’à mon avis, il s’agit d’un facteur dont on peut tenir compte ou auquel on peut s’attendre. Statistiquement, si on prend tous les cycles, il s’est écoulé environ six mois entre la dernière hausse des taux de la Fed et sa première baisse de taux. Donc, si la Fed cesse de hausser les taux au premier trimestre, elle pourrait éventuellement les baisser à un certain moment au quatrième trimestre de 2023.
SM: Très bien. Vous parlez surtout de la Fed, donc des États‑Unis. Croyez-vous que la situation sera plus ou moins la même au Canada?
HSM: Exactement. Je crois que la Banque du Canada a probablement la marge de manœuvre qui lui permet de s’arrêter à un niveau inférieur et qu’elle interviendra avant la Fed, puisque l’économie est certainement plus sensible aux taux d’intérêt, si on peut dire, que les États‑Unis. En comparant l’économie canadienne et l’économie américaine, il est évident que le consommateur canadien est beaucoup plus endetté que le consommateur américain. Je dirais que les bilans des consommateurs canadiens sont plus mal en point et que le durcissement de la politique monétaire pourrait produire un choc plus percutant. Je ne pense pas que la Banque du Canada devra être aussi interventionniste que la Réserve fédérale américaine.
SM: Très bien. Reparlons maintenant des marchés. Compte tenu de tous les facteurs que vous venez d’évoquer et puisque vous avez mentionné que le premier semestre de 2023 pourrait être difficile, tout en offrant certaines perspectives, à quoi faut-il s’attendre? Que dites-vous à vos clients et à ceux et celles qui s’en remettent à vos conseils?
HSM: Effectivement. Je crois qu’essentiellement, le premier semestre de 2023, en particulier, pourrait être très difficile pour les titres boursiers. Il n’y a pas si longtemps, l’indice S&P 500 franchissait la barre des 4 000 points. À ce niveau, nous ne sommes ni preneurs ni acheteurs. Je crois qu’il y aura des points d’accès plus attrayants au premier semestre. La conjoncture des résultats bénéficiaires des entreprises pourrait être dévalorisée. Lorsqu’on se penche sur les attentes vis‑à‑vis des résultats bénéficiaires de 2023, le consensus s’attend toujours à ce que les résultats bénéficiaires augmentent. Mais s’il y a une récession, comparable à celles qui se sont produites dans les 50 ou 60 dernières années, les résultats bénéficiaires ne progressent pas : ils se contractent. Et je crois qu’à l’heure actuelle, le marché dévalorise cette question.
SM: Ce que vous dites, c’est que malgré ce consensus, les résultats bénéficiaires de nombreuses entreprises, leur chiffre d’affaires ou leurs bénéfices sont appelés à baisser ou à continuer de dégringoler. Quel choc immédiat cette baisse aura-t-elle sur les marchés ou sur les investisseurs? Les investisseurs déserteront-ils les marchés?
HSM: Eh bien, généralement, oui. Il faut donc être plus attentif dans la répartition des actifs et dans le positionnement sectoriel. Les résultats bénéficiaires sont essentiellement le miroir de la conjoncture économique. S’il est question d’une récession, les résultats bénéficiaires vont baisser, ce qui n’est pas de bon augure. Habituellement, l’éventualité d’une baisse des résultats bénéficiaires pèserait sur les cours des marchés boursiers.
SM: Quelles sont donc les options qui s’offrent aux investisseurs dans ces circonstances?
HSM: Effectivement, si on examine les options du point de vue des actifs, je dirais que les liquidités ne sont pas de mauvais placements. Il en ira de même pendant les deux ou trois prochains trimestres au moins. Aux États‑Unis, les bons du Trésor à 3 mois rapportent aujourd’hui peut-être aux alentours de 4,25 %. Ce chiffre pourrait augmenter avec le taux des fonds fédéraux et probablement se rapprocher de 5 %. Je dirais donc que les liquidités ne sont pas de mauvais placements pour les trois ou six prochains mois. Je donnerais ensuite la préférence aux obligations. Les liquidités seraient ma priorité absolue, les obligations, la deuxième, et les titres boursiers, la troisième. Mais à nouveau, comme je l’ai mentionné, il faut probablement s’attendre à des révisions plus négatives des résultats bénéficiaires, surtout aux États‑Unis, puisqu’ils sont toujours aussi chers, mais sans doute pas autant au Canada ni ailleurs. Je dirais donc les liquidités d’abord, puis les obligations, et enfin les titres boursiers.
SM: Très bien. Si vous décidez d’investir dans les titres boursiers, et que vous le faites en particulier dans les actions productives de dividendes, quel serait votre première cible?
HSM: Les sociétés qui paient des dividendes, évidemment. Je dirais qu’il faut s’intéresser non seulement aux sociétés qui versent des dividendes, mais aussi à celles qui peuvent faire progresser constamment leurs dividendes. Nous avons constaté, dans nos travaux, que ces entreprises s’illustrent généralement, peut-être pas tout le temps, mais en moyenne, elles ont tendance à surclasser les marchés, bon an mal an. Il va donc de soi que pour les investisseurs, compte tenu de la flambée de l’inflation, miser sur des sociétés qui peuvent faire progresser constamment leurs dividendes pourrait constituer un bon moyen de résister à la tempête et d’amortir le choc de l’inflation qui s’emballe. C’est l’avis que je donnerais.
SM: Y a-t-il des secteurs dans lesquels ces types de sociétés sont plus présentes?
HSM: On trouve généralement ces types de titres boursiers dans les secteurs plus défensifs des marchés. Ils ont tendance à être en moyenne moins cycliques. Je dirais donc que la répartition de nos actifs est plus défensive à l’heure actuelle et que nous surpondérons nos positions dans certains secteurs défensifs comme les biens de consommation de base, certains services publics, les oléoducs et les gazoducs, en misant davantage sur les liquidités. Ce sont les secteurs dans lesquels on peut trouver ce genre de titres boursiers.
SM: Les liquidités sont sans doute plus la voie à suivre. Viennent ensuite les obligations, puis les titres boursiers. Pensez-vous qu’il pourrait y avoir un revirement de situation dans le dernier semestre de 2023?
HSM: Oui, c’est exact. Je m’intéresse à certaines conditions et certains éléments d’information pouvant signaler un redressement des marchés boursiers. La Fed a sans doute fini de durcir ses taux, non seulement en diminuant le rythme des hausses de taux, mais aussi en cessant de les augmenter. Elle devrait prendre une pause de quelques mois. Le temps de prendre à nouveau la mesure du choc cumulatif de tout le durcissement de la politique en 2022. Ce serait donc la priorité absolue. Puis, je dirais qu’il faut recentrer les attentes vis‑à‑vis des résultats bénéficiaires. Les sociétés vont déclarer leurs bénéfices du quatrième trimestre pendant la saison des résultats trimestriels, qui commence en janvier ou en février au Canada et aux États‑Unis. Les pronostics des sociétés sont appelés à baisser. Puis, Wall Street et Bay Street pourraient réduire plus considérablement leurs attentes bénéficiaires pour 2023. Il n’y aura pas de recentrage complet. Or, à l’évidence, nous souhaitons que les attentes bénéficiaires de 2023 diminuent assez brusquement. Pour ce qui est des indicateurs économiques avancés de l’économie, je souhaiterais qu’ils commencent au moins par se tasser ou se stabiliser, si vous le voulez, avant que nous soyons plus constructifs sur les titres boursiers et que l’on relève également les signes d’une capitulation. Ainsi, quand on se penche sur les sondages, il suffit de prendre connaissance de la répartition des actifs des investisseurs particuliers pour constater que la partie consacrée aux titres boursiers est toujours élevée. Les positions en liquidités ont augmenté, mais sont toujours faibles et ne sont pas assez élevées pour dire que les marchés ont atteint un creux à l’heure actuelle. Je dirais donc essentiellement que si nous pouvons cocher certaines de ces cases, nous pourrions de nouveau, à un certain moment en 2023, constater que les titres boursiers se remettent à monter.
SM: Très bien. Ma dernière question porte sur la répartition géographique. À quoi vous attendez-vous du point de vue des marchés plus favorisés pour les investisseurs?
HSM: Effectivement, je sortirais des marchés américains. Évidemment, s’il y a une récession mondiale, les risques mondiaux dans les résultats bénéficiaires s’étendraient au monde entier. Je dirais que la valorisation des titres est un risque supplémentaire sur les marchés américains. Comme je l’ai dit, les titres de l’indice S&P sont extrêmement chers par rapport à ce qu’ils étaient, mais aussi comparativement aux marchés boursiers mondiaux. Prenons l’exemple d’un indicateur de valorisation appelé le ratio des prévisions bénéficiaires. Aux États‑Unis, ce ratio tournait aux alentours de 18 fois les prévisions bénéficiaires. Sur d’autres marchés, ce ratio est plutôt de 12 ou de 13. Le marché américain est donc plus cher, ce qui représenterait un risque supplémentaire en 2023. Nous croyons que c’est ce qui pourrait se produire ailleurs. En plus du risque bénéficiaire, puisque les valorisations sont très faibles, je pense qu’on peut s’attendre, dans le deuxième semestre, à une réévaluation, de sorte qu’une augmentation des indicateurs de valorisation pourrait amortir la baisse des résultats bénéficiaires. Si c’est effectivement ce qui se produit dans l’ensemble, l’année 2023 pourrait être très cahoteuse. Mais je crois qu’en définitive, les valeurs boursières pourraient légèrement augmenter ou être presque à l’équilibre, si on veut, malgré un premier semestre très difficile. Le deuxième semestre sera sans doute meilleur. Et dans l’ensemble, du moins pour le TSX et les titres boursiers mondiaux, les rendements sont meilleurs ou supérieurs par rapport à ce qu’ils sont sur les marchés américains, surtout si l’on tient compte de la baisse du dollar américain. Lorsqu’on transpose dans la même devise toutes les places boursières mondiales, je dirais que la baisse ou la léthargie du dollar américain musclera le rendement de ce que nous appelons les titres boursiers internationaux par rapport aux titres américains. C’est pourquoi je crois que les titres boursiers mondiaux pourraient surclasser les titres boursiers américains en 2023.
SM: Très bien. Je crois que c’est tout le temps que nous avons. Il semble que le premier semestre sera difficile et qu’il faudra croiser les doigts pour que le deuxième semestre s’améliore un peu et finisse l’année 2023 à l’équilibre. Êtes-vous d’accord pour dire que ce serait la conclusion la plus simple à tirer?
HSM: C’est exact.
SM: Hugo, merci infiniment d’avoir été des nôtres aujourd’hui. J’apprécie vraiment le temps que vous nous avez consacré.
HSM: Merci infiniment.
Annonceur : Je viens de m’entretenir avec Hugo Ste-Marie, premier directeur de la Stratégie de portefeuille et quantitative, Recherche sur les actions mondiales de la Banque Scotia.
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